les « rejetés »

« Ils sont regroupés dans des villages où ne vivent que des personnes de la même caste qu’eux. Ils ont leur propre terre, leurs propres rois locaux, leurs propres modes de vie et ne fréquentent personne en dehors de leur famille. Personne ne peut s’implanter dans leur milieu sans être à son tour rejeté et assimilé à ces parias. (..) Les autres membres de l’ethnie Antemoro ne peuvent pas les fréquenter, il est interdit de les saluer ou de les toucher, et le plus gravement connoté des interdits est le fait de déjeûner avec un Antevolo. En un mot, ils sont isolés socialement dans cette partie de Madagascar et vivent à l’écart des autres. »

« origines historiques du rejet des Antevolo

Ce sous-groupe de l’ethnie Antaimoro qui vit dans le Sud-est de Madagascar occupe une place singulière dans la société de cette région de Madagascar. En effet, ils constituent un véritable groupe de parias assimilé à leurs homologues indiens. D’ailleurs, les autres groupes les appellent « amboa », c’est à dire « chiens ». Cette dénomination à elle seule pourrait refléter cette origine. En effet dans l’imaginaire de l’Islam (également pratiqué à Madagascar), le chien est considéré comme un animal impur, exactement comme les parias sont considérés comme des êtres humain impurs.

Les origines de cette structuration sociale en véritable système de caste comportant des parias au sens où le mot est employé en Inde, remontent à des périodes aussi éloignées que l’origine même du peuplement de l’île. Et s’il est assez hasardeux de donner une date précise, on peut affirmer sans encourir le risque de se tromper, que ce système social reflète l’une des influences de l’arrive des Islamisés à Madagascar, que l’on date vers le VIIIème siècle après Jésus-Christ.

Dans la formation des différentes structures sociales malgaches et notamment de cette région orientale de Madagascar, les Islamisés tiennent une place très importante. Ainsi, on leur a toujours attribué la paternité de la formation des royaumes malgaches, ainsi que certaines règles et normes sociales encore en vigueur. De telles influences sont perceptibles dans la manière dont fonctionne la société et l’une de ses manifestations est justement la persistance de ce système de castes dans la partie orientale de la grande île.

En effet, ces musulmans qui se sont installés en arrivant par l’est ne sont pas des Arabes arrivés du Proche-Orient ou de la partie septentrionale de l’Afrique, mais sont, en grande partie, des ressortissants de la péninsule indienne qui avaient été convertis à la religion de Mahomet au cours de l’expansion musulmane à partir du VIIème. C’est pourquoi ils ont conservé une grande partie de leur tradition sociale, malgré les grands voyages qu’ils ont effectués à travers les mers de l’océan Indien. Ainsi, il est tout à fait admis qu’ils sont à l’origine de l’introduction du système de caste à Madagascar, dont ils avaient eux-mêmes hérité de l’Hindouisme qui prévalait alors depuis longtemps dans la péninsule indienne. »

Extrait de « Visages d’exclusion dans la société malgache contemporaine », d’Anne-Marie Ricaldi Coquelin, L’harmattan, 2010

Laisser un commentaire