au feu…

 

Hier Gilvert, mon ancien assistant et toujours ami, avec lequel je whats’appe presque quotidiennement -comme d’ailleurs avec les autres membres de mon équipe qui ont la chance d’avoir un smartphone-, m’a envoyé la photo de la maison en feu du professeur Sainvius, dans le petit village de Velot, en Haïti. Sainvius est le professeur qui avait permis au programme de prendre de l’ampleur dans la zone, grâce à un discours magnifique à la fin d’une session de formation, appelant chacun à prendre conscience de la chance que représentait le fait d’obtenir à domicile et gratuitement une formation, de qualité (grâce aux formateurs de Hinche, que je ne remercierai jamais assez), et engageant chacun à cesser de se plaindre de la quantité de poulet dans son assiette, mais plutôt à demander un jour de plus à chaque session… Dont acte ! Consacrer le sacro-saint jour du marché à un jour supplémentaire de formation fut emporté grâce à son discours enthousiaste et la qualité de la relation avec les gens de Velot se maintint au beau fixe.

Après la fin de mon contrat, j’ai continué à croiser Sainvius régulièrement. Toujours par hasard. A l’hôpital en bas de la rue, où sa femme a été hospitalisée pour une grossesse mal engagée. A l’atelier de réparation de moto, dans les épiceries du village, pour des obsèques ou tout simplement sur la route. En effet, bien que l’ONG qui m’employait alors n’ait pas voulu s’en rendre rendue compte, d’un côté et de l’autre de la petite ligne, piste ou rivière, symbolisant la frontière, nous habitons bel et bien un même bassin. De nombreux dominicains se rendent au marché (ou aux bordels) de Tilory, et de bien plus nombreux haïtiens viennent à Restauraciòn, rendre visite à la famille, travailler des terres, profiter des services de l’hôpital, se rendant parfois jusqu’à Dajabon ou Santiago, les gardes ne filtrant jamais une famille tassée sur une moto autour d’un malade, ou acheter ce qui manque pour leur maison. Sainvius était justement aux prises avec des garde-frontières à la sortie de Dajabon quand Alex l’a croisé hier, totalement paniqué. Il venait d’apprendre l’incendie de sa maison et cherchait le le moyen de rentrer chez lui. Alex et son ami l’ont raccompagné… « chez lui ». Un tas de cendres fumant, voilà tout ce qu’il lui reste de ce qu’a été sa vie jusqu’ici. Sainvius est un homme passionné d’études, il possédait de nombreux documents glanés ici et là, consciencieusement, et puis les diplômes de formation signés « du ministère » que nous lui fournissions après chaque session, sésames précieux pour un aléatoire meilleur,… Cela et bien plus encore, vêtements, nourriture, vaisselle, meubles, rudimentaire patiemment accumulé, tout est parti en fumée. Il ne reste plus rien. J’ai essayé de questionner Gilvert sur l’origine de l’incendie, mais n’ai pu obtenir de réponse. Qui s’en soucie ? Sans doute cherche-t-on là-bas quel péché a bien pu être commis pour mériter telle foudre divine, comme on le fait à chaque tremblement de terre ou catastrophe cyclonique. Le peuple n’est pas assez bon, le peuple mérite ce qui lui arrive…

J’ai beaucoup de peine pour Sainvius, sa femme, elle aussi professeur de maternelle, très engagée. Ils trouveront du réconfort et un peu d’aide auprès de leurs proches, dans le village, où ils sont appréciés. Mais tous sont si pauvres. Je sais que parfois certains d’entre nous ressentons l’envie d’aider quelqu’un personnellement plutôt que de donner à une grosse machine. Si le cœur vous en dit, je veux bien, comme je l’ai fait après le cyclone de 2015 à Madagascar, faire passer vos oboles qui permettraient petit à petit de reconstruire la base permettant  de ne pas tomber, de pouvoir se relever. Socialement, professionnellement, personnellement.

 

formation à Velot

 

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